Le yoga est-il inclusif ?
Comment proposer des cours de yoga inclusifs à des personnes en situation de précarité ou d’exil qui ne pensent pas pouvoir bénéficier de ses bienfaits ? L’association NOUR forme des enseignants de yoga afin de les aider à bâtir des séances adaptées aux problématiques spécifiques de ce public en difficulté. Maeva Morin, formatrice à l’École Française de Yoga de Paris, nous en dit plus.
Vous êtes formatrice à l’EFY de Paris et vous suivez une formation au sein de l’association NOUR. Pouvez-vous nous parler de la vocation de cette association ?
NOUR est une association créée par Faustine Caron en 2019 avec l’intention de rendre accessible les pratiques douces, en l’occurrence le yoga, aux personnes en situation de précarité, notamment d’exil. Son objectif est l’inclusion sociale par le yoga. NOUR a deux axes principaux : La santé mentale et physique d’une part, et le lien social et la rupture de l’isolement d’autre part.
Elle œuvre avec la conviction que l’accès à une bonne santé et à des activités créatrices de lien social pour tous réduisent les inégalités à l’échelle d’un pays et contribue à prévenir les maladies diverses. NOUR anime des cours et des ateliers de yoga dans les centres sociaux, au sein de structures associatives et dans les établissements de santé auprès des personnes en situation d’exil, de précarité et de vulnérabilité au sens large.
L’équipe Nour, c’est un bureau, une équipe interne et un collectif de 270 professeurs engagés pour un enseignement de qualité, adapté à tous et qui permet à des personnes en situation de vulnérabilité de pratiquer en toute sécurité.
Cela semble paradoxal de se former à l’inclusivité du yoga alors que le yoga, par nature, est inclusif…
Oui en effet mais l’inclusivité avec NOUR doit s’entendre avec la spécificité des publics auprès desquels l’association intervient : personnes en parcours de rue, de migration, ayant subi des violences, seniors précaires, etc. Ce sont donc des publics particulièrement vulnérables d’un point de vue physique mais aussi psycho-émotionnel. L’inclusivité s’entend à la fois sur une pratique du yoga adaptée et sur l’importance de la relation qui s’établit entre les participants et l’enseignant, un des objectifs étant de réduire l’isolement de ces personnes.
En quoi consiste, concrètement, votre formation ? Qu’est-il important de savoir pour enseigner auprès de publics spécifiques ?
Les membres de NOUR insistent sur le fait que leur pédagogie déconstruit beaucoup de croyances que l’on peut avoir sur le yoga, que ce soit sur le lieu de pratique, sur la manière dont ont pratique, etc. Par exemple, un cours de yoga classique est généralement centré sur le silence et l’intériorité, les personnes sont souvent allongées et pratiquent les yeux fermés.
Dans les cours auprès de public précaire, le silence peut être angoissant et il est assez naturel que les personnes parlent pendant le cours, aient besoin de quitter le cours et de revenir. Il arrive aussi que les personnes attendent un appel, dont l’enjeu est d’avoir un hébergement pour la nuit : l’on peut être amené à faire cours avec le téléphone en haut-parleur le temps qu’un centre d’hébergement réponde. S’allonger et fermer les yeux demande une grande confiance (on pratique beaucoup sur chaise et debout) et ce sentiment de sécurité n’est pas une évidence pour des personnes vivant dans la précarité. Ces conditions sont accessibles avec un groupe régulier avec qui nous avons justement construit ce socle de sécurité.
La pédagogie est non-dogmatique et athée : aucune référence spirituelle n’est faite, pas de mantras ni de Namasté. Le pranayama est peu développé aussi. La pratique simple est tournée vers une reconnexion du corps pour des personnes qui n’ont parfois jamais eu l’occasion d’éprouver du bien-être physique, ou en tout cas d’être invitées à le ressentir.
L’humilité, très présente dans le yoga, prend avec ce public une signification particulière et très palpable.
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