Genre et yoga

Quel genre de yoga ? Affluence au dernier colloque de l‘EFY  !

Les colloques de l’École Française de Yoga (EFY) de Paris sont des rendez-vous ponctuels, mais réguliers et très suivis, destinés à faire écho à des préoccupations diffuses dans la culture ambiante. Se rassembler en soi-même, certes c’est le yoga, mais regarder au-delà des quatre coins de son tapis, c’est aussi le yoga tel qu’on le conçoit à l’EFY ! L’édition des 23 et 24 novembre 2024 a permis d’interroger le yoga du point de vue des femmes, du sexe et du genre.

Car depuis bien longtemps une question nous intrigue, et apparemment, elle n’intrigue pas que nous, car très vite ce colloque s’est trouvé complet, et nous avons dû l’ouvrir, pour la première fois, à des auditrices et auditeurs en visio. La question peut se formuler ainsi : alors que le yoga dans ses expressions indiennes historiques est avant tout une discipline réservée aux hommes, comment se fait-il qu’il soit devenu, en se mondialisant, une pratique à 90% féminine, (ou à peu près, en l’absence de statistiques précises) ? Quelle est cette mutation et que dit-elle de nos quêtes personnelles et des contextes sociaux, politiques, dans lesquels elle s’inscrit ? Qu’on se surnomme brogis (pour brother yogis) au sein d’un collectif répondant au nom de « Yoga des bons hommes » ; que ce soit « devenu un rituel pour se retrouver entre mecs », comme le rapporte dans un long article de Libération (15/04/2023) Florian Bardou, qui a été l’animateur de l’une de nos tables rondes, peut faire sourire, mais donne aussi à penser…

Tirer le fil de cette question, naïve en apparence, emmène loin, vers une nébuleuse d’autres interrogations névralgiques, très contemporaines, autour de la sexualité, des genres, de la corporalité, de l’identité, – des termes qui sont souvent mal définis ou marqués d’a priori idéologiques. Mais dont les manifestations hantent tous les secteurs de notre vie sociale, du mouvement #MeToo aux élections américaines et au-delà…

Bien entendu, nous n’avons pu, dans un simple colloque, les aborder toutes. Et, si nous avons eu de nombreuses réponses, nous sommes aussi repartis avec de nouvelles interrogations. Mais à l’EFY, nous pensons que le fait de se questionner sur nos représentations et nos pratiques, sans polémiques stériles, est déjà, en soi, un chemin vers plus d’empathie et d’humanisme, des vertus bien utiles par les temps qui courent.

Pour y voir un peu plus clair, ne pas céder à l’ambition et limiter le champ, nous avions affecté à chacune des trois demi-journées un angle de vue particulier. Le samedi matin, Alexandre Astier, Marc Ballanfat et Maria-Paola Castiglioni nous ont invités à explorer les représentations mythologiques et les conceptions philosophiques qui président à l’expression du féminin, non sans contester l’ordre patriarcal, dans les sociétés antiques de l’Inde et de la Grèce. Le samedi après-midi, Véronique Bouillier, Ysé Tardan-Masquelier (en remplacement d’Iris Farkhondeh, malade) et Ingrid Therwath nous ont offert des perspectives ethnologiques, historiques, politiques sur la place et le rôle des femmes dans l’Inde médiévale et contemporaine. Le dimanche matin, Nadia Cattoni, David Le Breton et Pierre Philippe-Meden nous ont ramenés sur le terrain occidental avec la participation de pionnières à la diffusion de sagesses orientales, le développement d’une culture du corps qui s’adresse particulièrement à un public féminin, et une réflexion critique autour du genre.

Les tables rondes ont été animées respectivement par Catherine Le Gallais, ancienne directrice de l’EFY, Florian Bardou de Libé et Elisabeth Marshall de La Vie-Le Monde.

Les ateliers de yoga ont été proposés par les formatrices et formateurs d’enseignants de yoga de l’EFY : Olivier Connesson, Gianna Dupont, Carole Marinheiro, Maeva Morin, Christophe Pasteur et Patrick Targa. Comme toujours dans nos colloques les ateliers ne sont pas de simples moments de pause destinés à détendre un corps trop longtemps assis et un mental trop intensément sollicité : ils font partie intégrante du programme, comme l’expérience corporelle fait partie intégrante de notre sujet. Un sujet sur lequel les différentes déclinaisons du yoga ont tellement de ressources intéressantes à mettre en œuvre sur le tapis…

Les nouvelles directrices de l’EFY, Anne Ulpat et Carole Marinheiro ont saisi l’occasion de ce colloque pour rappeler que la vocation première de l’École est de former les futurs enseignants de yoga dans un cursus de quatre ans qui se veut exigeant et nourrissant, conduisant à l’exercice d’un métier à part entière. L’EFY a formé des milliers d’enseignants de yoga depuis qu’elle a été fondée, en 1972. Pour rester dans le sujet, il faut savoir qu’entre 2014 et 2024, sur les 405 personnes diplômées, 357 sont des femmes, 48 sont des hommes, soit 13% de l’effectif !

Mais l’EFY, c’est encore plus que cela : c’est aussi un haut lieu d’activités culturelles en lien avec le yoga et son écosystème philosophique. On peut y suivre le cycle de conférences « L’Inde et nous, Histoire d’échanges et de rencontres » ; les soirées littéraires au cours desquelles on peut échanger avec des auteurs et autrices d’ouvrages liés, de près ou de loin, au yoga et à l’Inde ; le « Labo du corps »,  qui convie des chercheurs de tous horizons à partager avec nous les connaissances les plus récentes sur le corps dans ses multiples dimensions ;  le Diplôme universitaire (DU) « Cultures et spiritualités d’Asie » en partenariat avec l’Institut catholique de Paris… entre autres !

Bon à savoir : l’ensemble des conférences et des ateliers du colloque sera publié dans le numéro 72 de la Revue Française de Yoga, qui paraîtra en juillet 2025. Un bon moyen de découvrir ou de revenir sur un évènement très dense, marqué par de nombreuses informations et réflexions inédites, et scandé par de belles pratiques de yoga.

 

 

 

 

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