Enseigner le yoga, ça s’apprend !
Le yoga, c’est très « sympa » ! Certain(e)s diraient même que « c’est drôlement cool », et c’est vrai. S’allonger sur un tapis, se détendre, bouger ses bras et ses jambes, se retrouver dans des positions inhabituelles, tête en bas et jambes en l’air, étirer des muscles dont on ignorait l’existence, en contracter d’autres en s’aidant de la respiration… Vraiment, la pratique du yoga est « sympa » car elle fait du bien.
On pourrait en déduire qu’enseigner le yoga est une activité marrante et légère. De nombreux enseignants et enseignantes de yoga témoignent, en effet, du plaisir qu’ils ont à transmettre cette très belle discipline et même du bien-être qu’eux-mêmes ressentent à l’issue d’une séance. Pour autant, derrière cette apparente facilité se cache le déploiement de nombreuses compétences dans des registres très divers. Compétences précises, solides, qui sont régulièrement questionnées et approfondies si l’on veut exercer correctement l’enseignement du yoga. Autrement dit, enseigner le yoga ne s’improvise pas. C’est un métier : et comme tous les métiers, il s’apprend !
Quelles sont les compétences d’un enseignant de yoga ?
- La connaissance des postures de yoga :
Un cours de yoga consiste à vivre des postures, même s’il ne se résume pas à ce seul aspect. Encore faut-il savoir faire la distinction entre différents types d’ « asanas », étirement, extension de hanches, flexion avant, extension du haut du dos, rotation/torsion etc. Pour cela, il convient de comprendre les différentes mobilisations de la colonne vertébrale, les muscles en jeu (ceux qui s’étirent et ceux qui se contractent, ceux qui travaillent en synergie, etc) dans chaque posture enseignée. Il est tout aussi indispensable de comprendre la spécificité de chaque posture (ouverture, par exemple, des ceintures scapulaire et pelvienne, actions des bras, mouvements des omoplates, entre autres). Seule cette connaissance précise aide à enseigner correctement le yoga et permet à l’enseignant d’adapter les postures – en en respectant l’esprit – en fonction des difficultés, des limites (pathologies, raideurs, hyperlaxité, surpoids, grossesse) des personnes qui pratiquent.
2. La capacité à concevoir une séance de yoga :
Ces connaissances précises, régulièrement mises à jour, permettent de bâtir un cours de yoga cohérent sur le plan pédagogique, quelle que soit sa durée et quel que soit le style de Hatha-yoga enseigné. Les enseignants dûment formés savent comment enchaîner certaines séries de postures, comment préparer chacune d’elles si besoin, ou les compenser. Ils savent aussi à quel point il est important de bien préparer l’entrée dans la séance et de la clore correctement (on ne termine pas, par exemple, par n’importe quelle posture). Mieux ils sont formés, mieux ils sont capables de faire face à l’imprévu (arrivée d’une nouvelle personne, d’un(e) débutant(e), d’un(e) pratiquant(e) aguerri(e) mais souffrant d’une tendinite ou sortant d’un lumbago, par exemple).
3. La compréhension de l’anatomie et de la physio-pathologie appliquée au yoga :
Toutes ces acquisitions passent, entre autres, par de solides connaissances en anatomie. À commencer par la physiologie de la respiration puis par une vision claire des différentes parties du corps humain, de son fonctionnement métabolique et musculaire global, des pathologies ou dysfonctionnements mineurs qui peuvent l’affecter de façon générale et à certains âges de la vie. Ce sont des acquis qu’il convient de mettre à jour régulièrement : la connaissance du corps humain ne représente pas un savoir fini une fois pour toutes mais s’approfondit en permanence.
4. La transmission de l’esprit du yoga :
Une séance de yoga consiste en une série d’enchaînements, des postures, des mobilisations musculaires de toutes sortes. Mais tout cela n’a de sens que si cet ensemble est porté par le souffle. Il s’agit de savoir guider la respiration du pratiquant, certes, mais aussi d’apporter du souffle à son enseignement. Est-ce que cela s’apprend ? Oui, même si cet apprentissage-là est fait de silences, de profondeur, d’une certaine qualité de présence, il s’acquiert en apprenant tout le reste et en se donnant du temps pour l’assimiler. Les connaissances en anatomie, en familles de postures et en respiration se tissent avec l’histoire et la philosophie du yoga et l’ensemble nourrit un enseignement qui a du sens, qui permet de différencier le yoga d’une gymnastique « sèche » et répétitive. L’esprit du yoga se vit sur le tapis, chez le pratiquant comme chez l’enseignant. Il s’étudie aussi grâce à la fréquentation de certains textes fondateurs, élevés au rang de textes sacrés dans la tradition indienne. Les comprendre, ou bien percevoir leur complexité et leur éventuelle résonance avec notre époque, suppose de connaître un tant soit peu les concepts de base de l’hindouisme et les différentes strates et richesses des principales écoles philosophiques indiennes. Cela passe par un vrai travail d’étude et de questionnement aux côtés de spécialistes de ces sujets. Cette démarche est capitale : elle évite de faire dire aux textes ce qu’ils n’ont jamais dit !
5. Comprendre la relation :
L’enseignement du yoga gagne en justesse quand il s’accompagne d’un intérêt bien compris de la part de l’enseignant pour ce qu’est une relation entre les êtres humains, pour le fonctionnement du psychisme humain, à commencer par le sien ! Il n’est jamais inutile de se demander pourquoi on choisit d’enseigner, pour quelles raisons on décide d’occuper cette place singulière afin de transmettre cette discipline-là en particulier. Connaître les notions de « projection », de « transfert » et de « contre-transfert » – présentes dès lors qu’une relation s’instaure entre êtres humains, de quel qu’ordre qu’elle soit – invite à accueillir correctement les pratiquants et être moins dupe de ses émotions, de faire preuve de discernement et d’équanimité en évitant toute forme de pouvoir ou de séduction sur les personnes qui lui font confiance.
6. Exercer son esprit critique :
Il peut être tout à fait bienvenu de connaître l’environnement actuel, en Europe comme en Inde, de l’enseignement du yoga; qu’il soit économique, sociologique et même politique. Cette pratique a montré sa plasticité et sa capacité à s’adapter à différents milieux et contextes culturels. Mais elle est aussi parfois instrumentalisée ou transformée en une recette simpliste pour accéder au bonheur. Il convient, pour chaque enseignant, de s’informer et de distinguer les propositions honnêtes de celles qui le sont moins. Et d’adhérer également à un code de déontologie – comme celui conçu par la Fédération Nationale des Enseignants de Yoga (FNEY) – qui invite aussi à respecter certains principes essentiels présidant à l’enseignement du yoga. La voie de la connaissance passe par le discernement, lequel est primordial pour avancer sur la voie du yoga.
7. S’accorder du temps pour mûrir son projet et intégrer les connaissances requises :
Seule une formation longue (telle que proposée notamment par les Écoles Françaises de Yoga) offre cette opportunité d’acquérir de solides compétences professionnelles permettant d’exercer ce métier magnifique dans des conditions de respect et de sécurité optimales. Une maturation est alors à l’œuvre constituant une vraie richesse, pour le futur enseignant comme pour les personnes qui vont pratiquer avec lui. À cette condition-là, oui, le métier de prof de yoga, c’est drôlement sympa !
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