A propos de l'EFY de Paris

Tests pédagogiques, une journée particulière

Nous sommes au mois de juin 2010. Je me rends Rue Aubriot pour rencontrer Ysé Tardan-Masquelier, alors directrice de l’EFY Paris, afin de mieux connaître les tenants et les aboutissants de cette formation avant de m’inscrire.

J’entre le cœur léger dans la jolie cour arborée. Je viens de vivre une année professionnelle intense et difficile, qui s’est soldée par un licenciement économique que je souhaitais car il va me permettre de souffler et de me préparer à rebondir. L’EFY est un premier pas vers une nouvelle vie, que je souhaite plus apaisée et propice aux questionnements de fond.

Surprise… Alors que je m’attendais à entrer dans un lieu empreint de calme et à l’ambiance feutrée, je mets les pieds dans une véritable ruche, aux couloirs bondés et bourdonnants. Je croise des personnes aux visages un peu rougis, des petites grappes d’élèves en tenue de yoga en train de chuchoter, d’autres se concentrant sur des notes ou esquissant un geste, comme pour une répétition générale.

« Ne vous inquiétez pas, c’est la seule journée où l’on peut sentir un peu de stress dans cette École », me dit Ysé Tardan-Masquelier en ajoutant : « C’est la journée des tests pédagogiques des 3è années ».

 

À la fin de la 3è année, les personnes en formation passent un examen devant un jury d’enseignants : il s’agit d’animer une séance de yoga de 15 minutes auprès de six camarades de l’EFY, puis de pratiquer soi-même la posture principale enseignée, de pratiquer aussi la posture de son choix et enfin de répondre aux questions du jury.

Trente minutes environ qui permettent de savoir si le candidat est apte à commencer à enseigner, le jury prenant aussi évidemment en compte les trois années qui viennent de s’écouler pour se forger une idée.

 

À peine l’information reçue, je décide de l’oublier… Examen ? Évaluation ? Moi en train de donner un cours de yoga ? Je suis à des années lumières de ces préoccupations. D’ailleurs, tout au fond de moi, je me dis que je les deux premières années suffiront peut-être à mon bonheur. Après tout, je ne souhaite pas enseigner, ma démarche relève davantage d’un désir d’apprendre, de mieux connaître les fondements culturels et philosophiques du yoga. Et puis, cela fait des années que je me répète que s’il y a bien un métier que je ne ferai jamais, c’est celui d’enseignant ! Et qui sait ? Peut-être que d’ici la troisième année – qui me semble de toutes façons devoir advenir dans une éternité – un nouveau règlement intérieur aura été voté qui supprimera toute idée d’examen, ou bien que j’en serai exemptée pour une raison que je ne parviens pas à imaginer pour l’instant mais qui m’aide à occulter toute idée de stress.

Deux années plus tard, que je n’ai pas vues passer et dont j’ai apprécié la richesse et la profondeur, des enseignements reçus et des questionnements existentiels qu’ils engendrent, me voici au seuil de la fameuse année des tests. Il ne me viendrait même pas à l’idée de me soustraire à cet exercice tant j’ai aimé observer mes camarades des promotions précédentes en train de s’essayer à enseigner. J’ai moi-même rédigé quelques fiches de postures, puis tenté de les enseigner dès la fin de la deuxième année, sous le regard bienveillant et exigeant de mes deux enseignants. La première peur passée, constatant que je ne m’étais pas évanouie, que mes camarades étaient toujours entiers et même souriants, force est de constater que j’ai beaucoup aimé ces ballons d’essai ! Si bien que j’ai vécu la troisième année avec énormément de plaisir. Il suffisait…. de travailler, d’essayer, de rater, de recommencer, de réfléchir à ses erreurs avec le groupe, d’y arriver mieux puis de recommencer…

Ayant vécu la première année dans un dilettantisme assumé – en suivant tous les cours sérieusement mais sans m’inquiéter outre mesure du puits sans fond de mon ignorance, en goûtant la joie de savoir qu’il y avait tant à apprendre et à découvrir, et la deuxième année dans une attention joyeuse (encore toute à mon bonheur sans doute de m’être libérée de la vie en entreprise), j’entamais la troisième année pleine de bonnes intentions, avec l’envie de travailler et d’y arriver.

Bien sûr que la perspective de la fameuse journée des tests (un camarade à l’humour grinçant avait fini par l’appeler « la journée déteste ») nous inquiétait un peu. Mais la troisième année mérite mieux que d’être réduite à cette échéance, aussi importante soit-elle. Le but importe moins que le chemin pour y parvenir. Et quel chemin ! Cette troisième année, colorée des deux années précédentes, constitue un cap important, même si chaque parcours est singulier. Préparer les tests suppose d’accepter de changer de place, de ne plus recevoir un enseignement mais de le donner.

Pour ce faire, comprendre et apprendre les consignes propres à chaque posture offre des points d’appui remarquables. La répétition est aussi au cœur du processus de formation : refaire et refaire encore l’exercice permet d’incorporer la posture de l’enseignant, de saisir de plus en plus finement l’intérêt de telle ou telle indication. À force de répétitions, l’exercice se fait moins difficile, jusqu’à ce qu’il devienne même agréable et que l’on y insuffle l’esprit du yoga. Apprendre à placer sa voix, à parler pour tout le monde, à se déplacer sans agitation, en restant conscient de son corps dans l’espace pour ne pas gêner les personnes sur le tapis. Observer des corps différents du sien, des aptitudes ou des faiblesses inconnus de nous jusqu’alors, proposer une aide, se faire encourageant quand la posture est exigeante. Savoir se taire pour laisser agir le yoga…

C’est tout cela qui se tricote lors de cette troisième année,

riche en interrogations qui sont autant de processus de transformations, comme autant de graines qui auront tout le temps de germer. Car la journée des tests pédagogiques n’est pas une fin, elle est un commencement. Elle marque le début de l’autonomie sur la voie du yoga, qui n’occulte pas la nécessité de continuer de se former encore et encore. Elle apprend à prendre ses responsabilités sans pour autant se penser tout-puissant. Il s’agit d’apprendre à prendre sa place, toute sa place mais rien que sa place.

 

Nous remercions Anne Ulpat de partager avec nous son expérience d’ancienne élève de l’école française de yoga de Paris.

 

 

Anne Ulpat, Journaliste, enseignante à l’EFY.

Directrice de publication de la Revue Française de Yoga.

 

 

 

 

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