Y a-t-il une continuité entre la préservation de la terre et la liberté d’esprit, entre la connaissance de la terre et la connaissance de soi ? Les maîtres de l’Inde ancienne semblent avoir réfléchi à cette question, tellement actuelle. Les luttes écologiques d’aujoud’hui « prolongent les spéculations anciennes sur l’indissolubilité de la nature et de la culture »[1] ; sa filiation terrestre oblige l’homme au respect des autres créatures de l’univers.

Jumelle du Ciel, la Terre apparaît dans les hymnes védiques comme la « Gracieuse » (Pṛthivi), douée de beauté et fermeté à la fois. La terre est un lieu de plénitude : bhūmi (de la racine bhū- ‘exister, devenir’) est la terre solide, compacte, consistante. C’est sur elle que les œuvres humaines prennent appui, que l’on édifie les maisons et les cités, que l’on instaure les rites : un tissu durable, dont il faut savoir maîtriser les trous, les cavités qui laissent s’échapper sa force et les trous nécessaires à sa respiration. La terre est aussi, simplement, « la Grande » (mahī), l’ « étendue » dont les limites échappent au regard. Parmi les éléments (mahabhūta), c’est le plus dense ; on lui associe notamment le sens de l’odorat. La pratique va accompagner la prise de conscience des valeurs de plasticité, d’élasticité et d’équilibre que la terre nous lègue.

[1] Voir A. Montaud, Trois mille ans d’écologie indienne. Penser autrement la nature. Paris, Seuil, 2024.