Exposition « Yoga. Ascètes, Yogis, Soufis »
Musée Guimet, Paris, 2 FÉVRIER – 2 MAI 2022
Une exposition sur le yoga dans un musée national, c’est une première !
Et celle-ci nous réserve bien des surprises…
Tout d’abord, par sa richesse : 70 œuvres, souvent de petits formats, comme ces miniatures dont l’Inde médiévale est si généreuse, mais que la disposition adoptée permet d’apprécier de près. Des œuvres très diverses également, puisqu’aux côtés des peintures, les mieux représentées, le visiteur pourra contempler des sculptures sur bois ou des bronzes.
Par sa thématique, ensuite, résolument tournée vers des aspects essentiels de l’ascèse. Le visiteur rencontre pour commencer le dieu Shiva, Mahayogin et figure archétypale pour tous les yogis. Les miniatures qui campent son rôle essentiel dans la mythologie hindoue introduisent certaines pratiques ascétiques surprenantes.
Des exercices que l’on rencontre toujours aujourd’hui en Inde, comme sur ce panneau de char où l’ascète, dans une posture difficile, est entouré de cinq feux dont il lui faut supporter la chaleur intense. Mais ce type de représentation reste exceptionnelle dans l’exposition, car elle appartient plus au répertoire du tapas, de l’ardeur héroïque, des austérités extrêmes, qu’à celui du yoga.
Sages et princes dans la paix des ashrams
Ce qui frappe, en effet, c’est l’atmosphère paisible et l’environnement champêtre dans lesquels vivent les ascètes : paysages arborés et fleuris, animés au loin par des collines, lieux paradisiaques où se nichent des ermitages… Maîtres et disciples s’y côtoient avec simplicité, s’exerçant aux postures, méditant en assise, étudiant les textes à partir de quelque manuscrit posé sur les genoux, ou recevant d’illustres visiteurs, princes et même empereurs.
De vitrines en panneaux muraux, se succèdent des scènes qui témoignent d’aspects centraux de la culture indienne : un prince – un empereur moghol, même ! – rend visite à un maître dans son ashram et s’incline humblement devant lui, illustrant la prééminence de la puissance spirituelle sur le pouvoir politique. Des yoginis rappellent que les femmes adeptes du yoga étaient rares mais ont existé. Une étonnante peinture longue de près de deux mètres montre vingt-neuf yogis dans des postures différentes ; elle provient du Cabinet de Curiosités de la Bibliothèque Sainte-Geneviève de Paris, et a peut-être été importée par un marchand français au début du XVII° siècle, pour le compte du grand humaniste Fabri de Peiresc, qui se passionnait pour les cultures d’Orient. Difficile de savoir quel a pu être son usage… En tout cas, elle illustre un magnifique répertoire postural.
La fascination des empereurs moghols pour les yogis
Temps fort de l’exposition, douze portraits de yogis en postures assises ou en train de pratiquer des exercices de pranayama. Ils comptent parmi les plus anciens témoignages illustrés des pratiques de hatha-yoga. Étonnamment, ils sont parvenus jusqu’à nous grâce à un soufi, un maître musulman, qui a traduit en persan un texte sanskrit aujourd’hui perdu, l’Amritakunda, devenu Bahr al-hayat, « L’Océan de vie ». Le précieux manuscrit illustré révèle la circulation des connaissances entre les ascètes yogis et les mystiques soufis, et le rapprochement de l’islam avec les traditions de l’Inde ancienne.
Bienvenue, donc, dans la rotonde du musée Guimet, même si vous n’êtes pas féru.e d’histoire des religions de l’Inde, même si vous ne pratiquez pas le yoga, ou êtes néophyte !
A fortiori, si vous êtes enseignant.e.s, vous y reconnaîtrez vos grands ancêtres…
L’attrait esthétique pilote la connaissance pour pénétrer le monde mystérieux et fascinant des yogis et des ascètes. Avec le plaisir des yeux, les pratiquants d’aujourd’hui découvrent le riche terreau sur lequel le yoga s’est développé au-delà des frontières artificielles posées par les dogmatismes religieux.
Yoga. Ascètes, yogis, soufis.
Du 2 février au 2 mai 2022.
Musée Guimet, Paris
https://www.guimet.fr/event/yoga-ascetes-yogis-soufis/
Illustration de l’article :
Réunion d’ascètes et de yogis autour d’un feu
Attribué à Ghulam ‘Ali Khan ou un artiste de son cercle
Inde, Delhi, vers 1820-1825
Gouache et aquarelle sur papier
41,5 × 54 cm
Paris, MNAAG, achat (2005), MA 12123
Crédits © RMN-Grand Palais (MNAAG, Paris) / Thierry Ollivier
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